Depuis 2014, Droséra # La tentation du paysage est une exposition conçue comme une plate-forme ouverte et inclusive. J’y invite chercheuses et chercheurs, artistes, agriculteurs, tailleurs de pierre, jardiniers, collégiens, boulangers, écrivains, musiciens  à travailler ensemble. L’étape du processus, avec l’implication des personnes que je croise sur mon chemin et la mise en évidence de sujets bien précis est fondamentale avant de libérer les formes de l’imaginaire individuel et collectif. La communauté des tourbières de Creuse s’est élargie en 2021 à la communauté lettone avec le projet Free Bog (tourbière libre!) grâce au Prix COAL. Une bourse ADAGP - lauréate de la dotation Recherche 2023 — me permettra d’étendre, je l’espère, mes travaux de peinture dans les tourbières du Nord de l’Angleterre.“ C'est d'abord une expérience intime à laquelle je me suis confrontée physiquement dans le paysage des tourbières du Limousin. Leur esthétique atemporelle, les brumes oniriques, les odeurs d'humus et de terre, les bruits de l'eau dispersés dans l'immensité des étendues sauvages, l'ondulation des hautes herbes, tout cela m'a absorbée et m'a fait dialoguer avec la surface du paysage. Puis j'ai appris que des millions d'années s'étaient inscrites dans la faible profondeur des tourbières. La tourbe, issue de la décomposition lente et partielle de la sphaigne, s'enfonce d'un millimètre par siècle et transporte ainsi une puissante densité historique, de l'âge du Christ (à un mètre de profondeur) à l'âge du fer (deux mètres). La tourbe est une mémoire vivante qui témoigne des engagements passés et futurs de l'homme : les palynologues peuvent analyser les pollens qu'elle contient et y lire les liens philosophiques, politiques et spirituels entre l'homme et le paysage. C'est cette histoire des hommes et de la nature que j'ai voulu interpréter et inscrire dans une nouvelle esthétique. Du grec ancien «couvert de rosée», la Droséra est la plante carnivore des tourbières qui piège ses proies grâce à ses mucilages qui ressemblent à des gouttes de rosée. L’action des hommes semble s’y refléter à l’image de la formule métaphorique du philosophe chinois Han Fei Zi « Tout le ciel se reflète dans une seule goutte de rosée ». Des jeux de miroirs brouillent les pistes et opacifient les frontières entre matières et images, ciel et terre (peinture Droséra la tentation du paysage). Le passé n’est plus derrière nous mais sous nos pieds. Il remonte discrètement à la surface, virevolte dans le ciel (les Inaperçus). Le paysage semi-aquatique pourrait prendre la forme du mystérieux océan des souvenirs qui enveloppe la planète Solaris, dans le film de Tarkovski. Des émanations créatrices se produisent au fil des conversations. ” Julie Navarro, 2016
Droséra a été finaliste du prix COAL 2015 & Artcop21. Le projet a reçu le soutien de l’association Emile a une Vache, du Parc Naturel Régional de Millevaches, de la DRAC Nouvelle-Aquitaine, des Rencontres de Chaminadour, du Clau del Pais, du Conservatoire d’Espaces Naturels du Limousin, de la Communauté de Commune de Royère – Bourganeuf, de l’Institut des Études Occitanes, du Parc Naturel Régional de Millevaches.
Une partie du corpus des oeuvres présenté ci-dessous émane d’ateliers collectifs menés en 2016 au Château de Vassivière - résidence d’artiste du Centre International d’Art et du Paysage (CIAP), avec la collaboration des enseignants Frédéric Lagarde, Sophie Noguet, et leurs élèves du Collège Jean Picart Le Doux, et celle de Pierre Nourrisseau, tailleur de pierres, ainsi que les agriculteurs Rémi Volondat, Michel Foucault, et Feu Marinette Meaume. 

LA RIVIÈRE GLACÉE
Des briques industrielles de tourbes irlandaises sont assemblées au sol de manière à former un étrange chemin d’empreintes que les roues d’un tracteur pourraient laisser sur son chemin. Le sentier conduit-il au retour aux origines ? La trace représente-t-elle cette rivière glacée qui charrie les témoignages de l’histoire humaine ?

BRODERIES AUTOPORTRAIT EN GISANTE
xxx

LES GISANTS (TORNÀ)
« En rêvant la profondeur, nous rêvons notre profondeur, en rêvant à la vertu secrète des substances, nous rêvons à notre être secret », Bachelard.
Les tornà — litt : fantôme en occitan — ont été réalisés avec la collaboration des enseignants Frédéric Lagarde, Sophie Noguet, les élèves du Collège Jean Picart Le Doux.
La pénétration de la terre par la pelle s’est accomplie à l’image d’un rite antique de la fertilité permettant de « fouiller » les subconscients. Les sculptures en tourbe de couleur gris noir (proche de la terre mère) au brun roux (vers la surface du sol) traversent les âges. Leur degré d’enfouissement révèle une palette variée de couleur. Les images imprimées sur papier calque se superposent. L’ensemble génère un flux fantomatique.

L'INAPERÇU
Les Inaperçus donnent à percevoir des émotions impalpables du paysage, comme une émanation des profondeurs du sol. La série est née de l’observation au microscope du pollen dans la tourbe. Matières et images se confondent.

COSMOTROUBLE
Atelier d’écriture au Château de Vassivière - résidence d’artiste du Centre International d’Art et du Paysage, avec la collaboration des enseignants Frédéric Lagarde, Sophie Noguet, les élèves du Collège Jean Picart Le Doux. Jeux de mots intuitifs, analogies et travestissements ont chevauché les sentiers de l’imaginaire collectif.
A cette occasion, est né le mot Cosmotourbe gravé par Pierre Nourrisseau dans du granit creusois.