Le jour du vernissage à la La Petite Escalère, le 21 septembre 2018, nous avons dansé les lianes du jardin, avec de jeunes ballerines de l'école Freedanse et Gilbert Carty et Jérôme Cazenave, les jardiniers du parc de sculptures.
Fiona Delahaie, chercheuse à l’Université de Limoges analyse la performance dans sa thèse (2022) chapitre “de l’émerveillement par et dans le mouvement” (page 275 - 283)
“ La métamorphose par (et dans) le mouvement, Dénètem Touam Bona l’associe à la figure de la liane par le geste dansé. En effet, pour le philosophe, la sagesse des lianes est chorégraphique en ce qu’il s’agit de passer d’une figure à l’autre, tout en cultivant le suspens. Or ce mouvement de transfiguration continuelle – et de configuration de corps métamorphes – n’est autre que celui de la danse.
C’est précisément parce que la liane est une entité chimérique, une esquisse, un mouvement en suspens – qu’elle est appel à reprendre le fil, à réactiver par nos propres fugues ses mouvements de subversion. C’est lors d’une résidence croisée en 2018, pensée autour d’une réflexion sur la prégnance de l’eau, que Julie Navarro découvre des lianes de clématites mesurant plusieurs mètres de long dans le jardin de sculptures de La Petite Escalère. Pour l’artiste plasticienne, ces lianes ont été le lien, le fil conducteur de son projet Dissoudre le paysage (...). Pour Julie Navarro le verbe « dissoudre » fait notamment écho à son antonyme « résoudre ». De notre côté, nous faisons l’hypothèse que la dissolution du paysage renvoie à ce que nous disions précédemment concernant la recosmisation de la terre.
« Dissoudre » reviendrait alors à donner davantage de mouvement, de volupté au paysage ; et ce, non pas au sens de le rendre abstrait, mais plutôt de le reconcrétiser par ces échanges, ces croisements et interrelations de rythmes et d’énonciations.
Le lien entre les Landes et les Bouches-du-Rhône a été pensé par l’artiste, nous l’avons dit, suite à une invitation par les associations La Petite Escalère et Voyons Voir. Il était question d’entreprendre une réflexion située sur la prégnance de l’eau sur les territoires « en tant qu’élément naturel structurant du paysage et de l’activité humaine ». Effectivement, suite au réchauffement climatique, La Petite Escalère a connu des problèmes d’inondation à répétition. L’étang de Berre qui borde le Domaine de Suriane, quant à lui, connaît une arrivée massive d’eau douce (provenant d’une centrale EDF) dans sa lagune, ce qui provoque de profondes modifications de son écosystème. Julie Navarro s’est donc inspirée de l’aspect « ruban » des zostères trouvées autour de l’étang pour faire danser des jeunes ballerines et les deux jardiniers du jardin des sculptures avec les lianes lors du vernissage à La Petite Escalère. Dans un article, le critique d’art Léon Mychkine a qualifié le travail de Julie Navarro comme un « art du chiasme » . Rappelons-le, le chiasme est une « Figure de style consistant à inverser l’ordre des termes dans les parties symétriques de deux membres de phrase de manière à former un parallèle ou une antithèse » . Les deux lieux de résidence, ancrés dans deux régions différentes, ont ainsi été croisés, mis en résonance par la figure de la liane dansée. ”